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« Sex Is Comedy », sur France.tv : la coordinatrice d’intimité, rempart aux abus de pouvoir des réalisateurs

FRANCE.TV – VENDREDI 24 NOVEMBRE À 18 HEURES – DOCUMENTAIRE
De belles et/ou bouleversantes scènes de nudité ou de sexe à l’écran, on en a tous des souvenirs marquants. Mais comment ces scènes si poignantes sont-elles fabriquées ? La vague #metoo et la scandaleuse affaire Weinstein – arbre très imposant qui cache encore une forêt – n’avaient pas encore déferlé que, aux Etats-Unis, les « coordinateurs d’intimité » avaient déjà commencé à exercer.
Ces professionnels accompagnent interprètes, réalisateurs et techniciens dans la préparation et le tournage de ces scènes, veillant à ce que le consentement des interprètes soit libre et entier. Le métier est désormais répandu aux Etats-Unis, mais pas encore tout à fait en France, où, dix ans après le calvaire d’Adèle Exarchopoulos et de Léa Seydoux sur le tournage de La Vie d’Adèle (réalisé par Abdellatif Kechiche, Palme d’or 2013 à Cannes), l’on continue de faire passer la « liberté de création » avant la question des abus.
Le documentaire Sex Is Comedy réalisé par Edith Chapin (Motoball, en 2023, Nadia, de l’ombre à la lumière, au scénario, en 2021) et écrit avec Iris Brey montre comment travaillent ces professionnels. Celle-ci, critique et journaliste, spécialiste des représentations de genre et des sexualités à l’écran, réalise la série Split pour France.tv Slash.
C’est l’histoire d’une cascadeuse, Anna, qui tombe amoureuse de la star qu’elle double, alors qu’elle se pensait heureuse dans son couple (hétérosexuel). Pour le tournage de cette série, Iris Brey a fait appel à une coordinatrice d’intimité. Le documentaire suit, selon les règles de la coordination d’intimité aussi, le travail quotidien de Paloma Garcia Martens, ex-costumière, notamment sur le tournage de La Vie d’Adèle, et formée tout récemment à ce nouveau métier.
Edith Chapin l’assure elle-même : « Je me suis sentie beaucoup plus libre d’avoir discuté et défini à l’avance ce que je pourrais filmer. » La fameuse contrainte créative ? Elle a en tout cas obtenu des témoignages inédits d’actrices, rarissimes, car risqués pour la suite d’une carrière dans le cinéma ou l’audiovisuel.
Selon la réalisatrice, qui a vu beaucoup de portes se fermer, le « tais-toi pour le bien du film » reste la norme. Point de « liberté de la création » dans l’expérience de ces femmes, mais plutôt une paresse créative précisément, lorsque des scènes ou des personnages ne sont pas pensés en amont, que les interprètes sont mis devant le fait accompli, improvisent et tentent de comprendre, à moitié nus, sur un plateau, ce que l’auteur ou le réalisateur n’a pas su clairement formuler. « Je suis prête à faire plein de choses, affirme l’actrice Zita Hanrot, cofondatrice de l’Association des acteur.ices, qui se saisit du problème. Mais si on en discute. »
Commence alors une réflexion captivante sur les rapports de pouvoir qui traversent un plateau de tournage, sur la recherche de justesse dans ces scènes, sur la représentation de la sexualité des femmes. Et, surtout, sur ce que la liberté de la création gagne, précisément, à prendre le temps de voir dans le corps des acteurs et actrices bien plus qu’un instrument artistique ou un objet esthétique.
Le succès des séries Normal People (2020) ou Sex Education (2019-2023) – dont un interprète et le coordinateur d’intimité témoignent dans le documentaire – est joyeusement éloquent. « Jouer le sexe et jouer l’intimité reste jouer la comédie », explique la réalisatrice, qui souligne à quel point les codes ont changé depuis la mise en abyme éponyme de Catherine Breillat (Sex Is Comedy, 2002).
Sex Is Comedy, documentaire réalisé par Edith Chapin (Fr., 2023, 55 min). Sur France.tv jusqu’au 8 juin 2026.
Mouna El Mokhtari
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