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JO de Paris : « Pourquoi la panthéonisation de Pierre de Coubertin n’est-elle pas davantage d’actualité en 2024 ? »

Dans quelques mois, la France va accueillir les Jeux olympiques d’été pour la troisième fois de son histoire, après ceux de 1900 et de 1924. Elle est aussi la patrie de leur « rénovateur », le baron Pierre de Coubertin, né à Paris le 1er janvier 1863 et décédé à Genève le 2 septembre 1937. D’aucuns, rassemblés depuis 2022 autour de l’athlète médaillé d’or Guy Drut et de l’académicien Erik Orsenna, plaident pour la panthéonisation de celui qui a œuvré dès 1892 au « rétablissement des Jeux olympiques sous une forme moderne ».
L’Elysée n’a toutefois pas donné suite, ayant déjà exprimé sa préférence pour deux résistants : la vedette d’origine américaine Joséphine Baker et le leader communiste des FTP-MOI Missak Manouchian.
Déjà, à l’occasion des Jeux d’hiver 1968 à Grenoble, le membre français du Comité international olympique (CIO) Jean de Beaumont (1904-2002) avait suggéré un tel hommage au général de Gaulle, lequel aurait répondu : « L’idée est à retenir, mais Coubertin, ce n’est quand même pas Jean Moulin ! » Des pays étrangers lui ont accordé leurs plus hautes décorations de son vivant et lui ont consacré des timbres et des statues après sa mort. Alors pourquoi la panthéonisation de Coubertin n’est-elle pas davantage d’actualité en 2024 ?
Sa réputation est tout d’abord entachée du soutien qu’il a accordé au IIIe Reich au moment des Jeux controversés de Berlin en 1936. Il n’est pas « dupe des menées nazies », comme il l’écrit à l’ambassadeur de France à Berne en mai 1933. Les dirigeants du sport nazi ont orchestré une campagne de nobélisation, qui finit par échouer, et Hitler a même signé un chèque en sa faveur alors qu’il est désargenté. Le baron salue « la grandiose réussite des Jeux de Berlin », sans cacher en privé son « admiration » pour Hitler.
Et puis, quoique rallié dès 1887, Coubertin a toujours entretenu un rapport ambigu avec la République et la démocratie. Son élitisme social explique aussi l’échec du député Jules Siegfried à lui obtenir la rosette après les premiers Jeux olympiques à Athènes, en 1896.
En 1900, Coubertin, antidreyfusard, est même écarté de l’organisation parisienne des JO. Après la guerre, il a fallu les pressions insistantes du Quai d’Orsay et la menace d’un désaveu des dirigeants français du sport pour qu’il accepte de confier les Jeux de 1924 à Paris. Alors qu’il décède en 1937, oublié de tous, sa malchance, d’une certaine manière, tient au fait que ses plus farouches défenseurs sont venus des rangs antirépublicains et collaborationnistes, comme le Croix-de-feu Armand Massard, qui préside le Comité olympique français de 1933 à 1967.
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