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Au Musée juif de New York, requiem expressionniste pour les victimes du 7 octobre

Avant qu’il ne pénètre dans l’exposition, au ­troisième étage du magnifique bâtiment du Jewish Museum, à New York, un panneau met en garde le visiteur. Dans la petite pièce aux murs et aux sol noirs, l’artiste israélo-ukrainienne Zoya Cherkassky donne à voir les massacres perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et dans lesquels ont péri mille deux cents personnes. Réalisées dans la foulée des attaques et ­exposées deux mois plus tard, ces images expriment l’urgence. « C’est une sorte de réflexe psychologique, je suppose, explique-t-elle par mail. Comme au début de la guerre en Ukraine : j’ai ­réalisé une série de dessins au cours des deux premières semaines. Lorsque tout s’effondre, je dessine. »
Le 7 octobre, la quadragénaire était à son domicile de Tel-Aviv avec des amies russes. L’une d’elles lui dit avoir « lu dans les médias que des terroristes allaient de maison en maison et tuaient des gens ». « J’ai répondu : “Ce sont vos fausses nouvelles russes ! Ce n’est pas possible !” Mais nous avons tous dû croire à l’incroyable. » Le lendemain, elle s’envole avec sa fille de 8 ans et sa nièce Yasmin pour Berlin. « Yasmin a fui l’Ukraine il y a deux ans. Nous avions un sentiment de déjà-vu. » Elle-même, née en 1976 à Kiev, a émigré en Israël en 1991. Si elle est rentrée depuis chez elle, à Tel-Aviv, c’est dans la capitale allemande qu’elle a réalisé la série accrochée au Jewish Museum.
Dès octobre, l’institution de la Ve Avenue réfléchit à la meilleure façon de répondre à cette tragédie. Les dessins de Zoya Cherkassky avaient été repérés par un membre de l’équipe sur Instagram. Le tout nouveau directeur, James Snyder, les a trouvés « incroyablement émouvants ». Avec cette exposition, prolongée jusqu’au 18 mars, le musée inaugurait une série d’­initiatives autour du conflit et du monde de l’art. « Beaucoup d’artistes ont commencé à réagir au 7 octobre et à ce qui s’est passé par la suite, mais il semble que nous soyons le premier musée, peut-être le seul jusqu’à présent, qui s’interroge sur son rôle face à ce type d’événements », ajoute James Snyder.
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Les douze images expressionnistes de Zoya Cherkassky ne peuvent laisser indifférents. Si certaines présentent explicitement des scènes de grande violence, la plupart expriment l’horreur sans la figurer. C’est le cas d’Oct. 7. 2023, où la terreur se lit dans les yeux des membres d’une famille et dans ces mains appliquées sur la bouche d’une grand-mère et celle d’un nouveau-né pour ne pas être repérés de leurs assaillants. Au-dessus de leurs têtes, l’artiste a reproduit le même œil soleil que Picasso avait peint dans sa célèbre toile Guernica, réalisée en 1937 pour dénoncer le bombardement de la ville basque par l’Allemagne nazie. « Ça a été la première œuvre d’art à laquelle j’ai pensé lorsque j’ai appris ce qui s’était passé dans les kibboutzim du sud d’Israël, raconte-t-elle. La cruauté de ce massacre m’a fait penser à Guernica. »
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